Il y a des années, Ibrahim Hanna Malaki, un juriste chrétien d’Alep, a fui sa ville natale après avoir été emprisonné pour son militantisme contre le régime syrien. Vivant désormais en Suisse, Malaki envisage de revenir pour renouer avec sa famille, évaluer sa propriété et célébrer les fêtes dans une ville longtemps définie par son héritage chrétien.
Alors que les factions de l’opposition syrienne consolident leur contrôle sur Alep, la communauté chrétienne de la ville, qui compte plus de 20 000 personnes, a commencé à décorer les arbres de Noël et à préparer les célébrations des fêtes. Alep abrite 30 églises représentant 11 confessions chrétiennes, dont les communautés syriaque orthodoxe, arménienne catholique et grecque orthodoxe.
Dans une interview exclusive avec The Media Line, Malaki a déclaré qu’il avait contacté ses proches à Alep après que les factions de l’opposition aient pris le contrôle, les félicitant pour leurs préparatifs de Noël. Des festivités pour la Sainte Barbe ont eu lieu dans des quartiers tels que les quartiers de Suleimaniyah, Aziziyeh et Villa, ainsi que dans certaines parties de Jaberiyah.
Malaki a souligné que les chrétiens d’Alep n’ont pas été victimes de violences de la part des factions de l’opposition, ce qui contraste avec les menaces précédemment posées par le régime syrien. Il a appelé Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) et le Gouvernement du Salut qui lui est affilié à assurer une coexistence pacifique à tous les habitants d’Alep, permettant aux chrétiens et aux musulmans de pratiquer librement leur foi.
Le journaliste syrien Ayman Abdel Nour, basé à Washington, a confirmé que les factions de l’opposition ont assuré aux chrétiens d’Alep leur liberté religieuse. Le militant Mohammed Khudair, s’exprimant depuis Alep, a corroboré cette affirmation, notant que les chrétiens ont prié dimanche dernier, 24 heures seulement après la chute de la ville aux mains de l’opposition.
Khudair a noté que les chrétiens d’Alep, comme le reste des habitants de la ville, participent à des activités quotidiennes et font leurs achats sur les marchés. Ils interagissent avec les factions et les militants de l’opposition avec un sentiment d’aisance croissante.
Mgr Ephraim Maalouli a rencontré des bénévoles du groupe Diocese Sons pour coordonner le soutien aux chrétiens d’Alep pendant ce qu’il a décrit comme « une période sensible ». S’adressant à The Media Line depuis Alep, Mgr Maalouli a déclaré : « Nous allons bien et resterons dans notre ville d’Alep. Nous serons aux côtés de notre communauté dans toutes les circonstances, des plus difficiles aux meilleures. Les prières continuent dans nos églises. Il a confirmé qu’il n’y avait eu aucune menace ni restriction sur leurs prières, à l’exception d’une récente frappe aérienne russe contre une école chrétienne à Alep.
Dans le quartier d’Aziziyeh, des arbres de Noël ornent désormais les rues, les cafés et les balcons, selon le militant Abu Sham.
Lina, une résidente chrétienne, a déclaré qu’elle se rendait quotidiennement au marché pour faire ses courses sans harcèlement, mais a exprimé sa crainte que ce sentiment de sécurité ne soit que temporaire jusqu’à ce que HTS consolide son contrôle sur la ville.
Dans ce contexte, Hanna Saeed, une citoyenne chrétienne d’Alep, a déclaré à The Media Line que la vie à Alep semble normale. « Étonnamment, les services se sont améliorés depuis que les factions ont pris le contrôle d’Alep. Nous vivions dans des conditions de service difficiles, mais maintenant les choses vont mieux, notamment avec la sécurité assurée par les factions. Ils nous ont assuré que nous ne subirions aucun danger.
Abou Muhammad al-Julani à Alep
Le leader du HTS, Abu Muhammad al-Julani, a fait mercredi sa première apparition publique à Alep, à la citadelle de la ville, parmi une foule de civils. Le chef du groupe, désigné comme organisation terroriste par les États-Unis, a annoncé son intention de dissoudre l’organisation et de former un conseil de transition pour gouverner la ville. Selon des sources affiliées, ce conseil supervisera la mise en place de nouvelles institutions et la réintégration des salariés d’Alep.
Avec le déclin de l’influence du régime syrien, certains observateurs y voient une rare opportunité d’engagement politique. Malaki a fait remarquer que les chrétiens, qui ont longtemps été exclus de la politique, ont désormais la possibilité de contribuer à façonner l’avenir de la Syrie. Le chercheur syrien Mustafa Al-Naemi a fait écho à ce sentiment, exhortant les Syriens à collaborer à la reconstruction de leur pays.
Alors que les marchés d’Alep ont rouvert, les prix élevés reflètent l’effondrement de la livre syrienne. Un dollar américain équivaut désormais à 27 000 livres syriennes à Alep, contre 15 000 à Damas. Les experts financiers pensent que les factions pourraient adopter la livre turque pour assurer la stabilité, comme cela a été fait à Idlib et dans la campagne d’Alep.
Des rumeurs ont également circulé sur la nomination de Mgr Hanna Allouf au poste de gouverneur d’Alep. De nombreux Syriens ont exprimé leur soutien à cette idée, mais Allouf a nié ces affirmations, déclarant à The Media Line qu’il ne s’engage pas en politique.
Alors que les discussions et les incertitudes perdurent, les chrétiens d’Alep maintiennent leur foi et leurs traditions. Ils célèbrent Noël, décorent leurs églises et continuent de prier, même si la direction et le paysage de la ville changent rapidement autour d’eux. Beaucoup ont fui en raison de l’influence iranienne et de la répression du régime, mais ceux qui sont restés maintiennent leurs traditions, contribuant ainsi à la diversité du tissu social de la ville.
« Les chrétiens d’Alep vivent depuis des siècles au sein du tissu social de la ville, et les églises ont toujours accueilli les enfants chrétiens pour le baptême », a déclaré Malaki. « Ces rituels sont restés inchangés, même sous le contrôle des forces gouvernementales syriennes. »