Le président français Emmanuel Macron a nommé vendredi 13 décembre le quatrième Premier ministre de 2024, en remettant le centriste chevronné François Bayrou le défi de naviguer dans une Assemblée nationale de plus en plus divisée.
Véritable vétéran de la politique française et allié de longue date de Macron, Bayrou, 73 ans, a été choisi pour succéder à l’éphémère Michel Barnier, évincé par un vote de censure à l’Assemblée nationale le 4 décembre.
La nomination de Bayrou, leader du Mouvement démocratique (MoDem), marque une rupture nette avec le « nouveau monde » que Macron avait aspiré à représenter lors de sa première campagne de 2017. Sa mission première sera d’éviter une nouvelle motion de censure.
« Le président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre et l’a chargé de former un gouvernement », a annoncé l’Élysée dans un bref communiqué vendredi peu avant 13 heures.
Bayrou apporte une vaste expérience politique, remontant au début des années 1980. Sa carrière comprend 10 ans en tant que membre de l’Assemblée nationale, en tant que ministre de l’Éducation et au Parlement européen.
Trois fois candidat à la présidentielle (2002, 2007 et 2012), Bayrou a également été l’un des premiers partisans de Macron, même s’il s’est parfois permis de le critiquer.
« François Bayrou a les qualités nécessaires ; il est pragmatique et a une vision claire », a déclaré jeudi à Euractiv un député MoDem. Le MoDem plaide depuis l’été pour un « gouvernement d’union nationale », appelant à l’inclusion de tous les mouvements centristes, y compris le Parti socialiste (PS).
Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères et collègue du MoDem, a immédiatement salué cette nomination. « Félicitations chaleureuses à François Bayrou pour sa nomination au poste de Premier ministre. Ceux qui ont partagé ses combats savent qu’il saura répondre aux profonds besoins de réconciliation et d’unité du pays », a-t-il déclaré.
Cependant, les dirigeants socialistes ont insisté pour que le nouveau Premier ministre soit issu du Nouveau Front populaire (NFP), une coalition de gauche formée à la hâte avant les élections législatives d’été. Jeudi, Boris Vallaud, chef du groupe PS à l’Assemblée nationale, a prévenu que la nomination d’une personnalité issue du camp de Macron, comme Bayrou, « risquerait d’exacerber la crise politique et institutionnelle qu’il a créée ».
La nomination de Bayrou apparaît comme une tentative de Macron de briser la coalition de gauche et d’isoler La France Insoumise (LFI). LFI a déjà annoncé qu’elle soutiendrait toute future motion de censure contre le gouvernement.
« Nous voulons un changement de politique », a déclaré peu après l’annonce Fabien Roussel, premier secrétaire du Parti communiste (PC), ajoutant au contraire qu’il était « prêt à engager le dialogue » avec le nouveau premier ministre.
À droite, Les Républicains (LR) se sont engagés à éviter de renverser le gouvernement à moins qu’il n’inclue des ministres LFI ou ne mette en œuvre la politique du NFP. Malgré les griefs passés avec Bayrou, découlant de son soutien à François Hollande face à Nicolas Sarkozy en 2012, LR devrait offrir un soutien conditionnel.
De son côté, Jordan Bardella, président du Rassemblement national (RN) d’extrême droite, a déclaré que Bayrou « doit comprendre qu’il lui manque à la fois une légitimité démocratique et une majorité parlementaire ». Cependant, les dirigeants du RN pourraient voir sa nomination d’un bon œil, compte tenu de la récente justification juridique de Bayrou en février 2024 sur des allégations similaires à celles auxquelles est confronté le RN concernant l’utilisation abusive des fonds du Parlement européen.
Bayrou a également exprimé ses inquiétudes quant à l’équité démocratique, s’opposant à toute application immédiate de l’inéligibilité potentielle de cinq ans de Marine Le Pen, si elle était reconnue coupable dans le procès pour détournement de fonds du RN. Empêcher Le Pen de se présenter à la présidentielle de 2027, a-t-il soutenu, pourrait « biaiser la vie démocratique » et aliéner les électeurs.
Apparu comme un leader potentiel depuis quelques mois, Bayrou a récemment exprimé sa volonté de servir, laissant entrevoir ses ambitions. À l’issue d’une réunion entre Macron et des représentants des partis (hors LFI et RN) le 10 décembre, Bayrou a proposé un « accord de coopération démocratique » et a suggéré de retarder les questions controversées comme la réforme des retraites et l’immigration.
Le défi immédiat pour Bayrou sera d’élaborer un budget pour 2025. Une « loi spéciale », présentée mercredi au cabinet, sera débattue la semaine prochaine à l’Assemblée nationale pour garantir le maintien des services publics, la collecte provisoire des impôts et le report des dépenses. à partir de 2024. Toutefois, les solutions à plus long terme visant à réduire le déficit public – qui devrait dépasser 6 % du PIB en 2024 – nécessiteront probablement soit des hausses d’impôts, soit des réductions de dépenses.
La nomination de Bayrou, comme celle de son prédécesseur Michel Barnier, devrait être bien accueillie à Bruxelles. Connu pour sa position pro-européenne, Bayrou a toujours soutenu les institutions et les politiques européennes.
« Félicitations, François Bayrou pour votre nomination au poste de Premier ministre de la France. L’Europe vous a toujours tenu à cœur. Travaillons tous ensemble pour une Europe plus forte, plus compétitive et qui a les moyens de se défendre », a réagi le président de la Commission européenne. , Ursula von der Leyen.
(Edité par Owen Morgan)