ROME – Face à une série de scandales impliquant des fondateurs et d’autres individus charismatiques qui ont commis des abus sous couvert de fausses expériences spirituelles et mystiques, le Vatican est en train de créer un groupe d’étude pour définir plus clairement le crime dans la loi de l’Église.
Un communiqué signé le 22 novembre par le cardinal argentin Víctor Manuel Fernández, préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi (DDF) du Vatican, et approuvé par le pape François, aborde un différend de longue date entre canonistes sur le concept de « faux mysticisme ».
Traditionnellement, le « faux mysticisme » est considéré comme un crime contre la foi, relevant de la compétence du DDF, mais sans norme juridique clairement définie.
L’article 10 de l’édition 1995 du règlement de la DDF, signé par le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet et futur pape Benoît XVI, stipule que la section disciplinaire au sein de la DDF « s’occupe des délits contre la foi, ainsi que des délits les plus graves, au jugement de l’autorité supérieure, commis contre la morale et dans la célébration des sacrements.
Le dicastère, dit-on, est responsable d’une variété de problèmes et de comportements liés à la discipline de la foi, tels que « des cas de pseudo-mysticisme, de prétendues apparitions, de visions et de messages attribués à des origines surnaturelles, de spiritisme, de magie et de simonie. »
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Cependant, selon le communiqué du DDF, publié sur le site Internet du DDF, le terme « faux mysticisme » est traité dans un contexte spécifique lié « à la spiritualité et aux prétendus phénomènes surnaturels » et est désormais traité dans la section doctrinale du DDF.
Dans ce contexte, a déclaré Fernández, le terme « faux mysticisme » fait référence à « des approches spirituelles qui nuisent à l’harmonie de la compréhension catholique de Dieu et à notre relation avec le Seigneur ». C’est dans ce sens que l’expression apparaît dans le Magistère.
A titre d’exemple, le DDF a cité l’encyclique du pape Pie XII de 1956 Tu puiseras les eauxdans lequel il rejette la conception janséniste d’un Dieu détaché de l’incarnation de Jésus comme un « faux mysticisme ».
« Il est donc faux d’affirmer que la contemplation du Cœur physique de Jésus empêche l’approche d’un amour intime de Dieu et freine l’âme sur le chemin de l’atteinte des plus hautes vertus », a déclaré Pie XII, appelant cela une « fausse doctrine mystique ».
Bien que certains canonistes utilisent également l’expression « faux mysticisme » en relation avec les cas d’abus, il n’y a aucun crime classé comme « faux mysticisme » dans le Code de droit canonique, a déclaré Fernández.
Malgré la récente révision du code pénal du Vatican, qui inclut des dispositions plus larges pour les laïcs et les fondateurs laïcs accusés d’abus, il n’existe toujours pas de crime classé pour ce type d’abus, laissant subsister ce que de nombreux experts canoniques ont décrit comme une lacune juridique dans le droit de l’Église.
Certains ont évoqué le cas du père franciscain espagnol Francisco Javier Garrido Goitia, condamné l’année dernière par un tribunal ecclésial pour deux chefs d’accusation de « faux mysticisme et demande de confession », comme un précédent potentiel.
Cependant, d’autres experts ont soutenu que dans l’affaire Garrido Goitia, l’accusation de « faux mysticisme » était considérée comme une circonstance aggravante, et non comme un crime en soi, et que si l’accusation avait porté uniquement sur le faux mysticisme, elle n’aurait pas été admise. car il n’y a pas de classification pour cela dans le droit canonique.
Alors que certains canonistes ont poussé à la qualification de crime de « faux mysticisme » en relation avec les cas d’abus, d’autres ont soutenu que le terme est trop général étant donné qu’il a été utilisé dans des contextes à la fois doctrinaux et disciplinaires et prête donc à confusion.
Fernández, dans son communiqué, a déclaré que la question des fausses expériences spirituelles et mystiques lors de la commission d’abus est traitée dans les nouvelles « Normes pour procéder au discernement des phénomènes surnaturels présumés » publiées en mai, et dans lesquelles le DDF déclare que « l’utilisation de prétendus phénomènes surnaturels » Les expériences surnaturelles ou les éléments mystiques reconnus comme moyens ou prétextes pour exercer un contrôle sur des personnes ou commettre des abus doivent être considérés comme particulièrement graves sur le plan moral.
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« Cette considération permet d’évaluer la situation décrite ici comme une circonstance aggravante si elle se produit en même temps que des délits », a déclaré Fernández.
Selon lui, il est possible de classer ces crimes sous la rubrique « abus spirituel », tout en évitant le terme « faux mysticisme », qui est selon lui une expression « trop large et ambiguë ».
À cette fin, Fernández a proposé que le Dicastère pour les Textes Législatifs du Vatican et le DDF forment un groupe de travail, présidé par les Textes Législatifs, pour mener une analyse conjointe de ce type de classification et présenter des propositions concrètes.
Il a déclaré que le préfet des textes législatifs, Mgr Filippo Iannone, a accepté la proposition « et est en train de constituer le Groupe de travail prévu, composé de membres indiqués par les deux dicastères, pour accomplir dans les plus brefs délais la tâche qui lui a été confiée ».
La création du groupe de travail intervient alors que la liste des individus accusés d’actes d’abus sexuels incorporant des éléments de fausses expériences mystiques et spirituelles s’allonge, y compris des cas marquants comme celui du fondateur de l’organisation basée au Pérou. Adhésion à la vie chrétienne (SCV), Luis Fernando Figari et le père slovène Marko Rupnik, accusés d’avoir abusé d’une quarantaine de femmes adultes.
Selon certains experts, ce sont précisément les lacunes juridiques entourant les abus commis à l’aide de fausses expériences spirituelles ou mystiques qui permettent aux agresseurs présumés tels que Rupnik d’éviter d’être punis.
Fernández, dans son communiqué, n’a pas proposé de calendrier concernant la création du groupe de travail ni la durée de son mandat.
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